L’exploitation du pétrole dans le Parc National des Virunga : une bataille gagnée ou une trêve stratégique pour les tenants de l’exploitation du pétrole
I . Le combat de la lutte contre l’exploitation du Pétrole dans le PNVi
En effet, le Parc national des Virunga, www.virunga.cd, ( PNVi) présente une diversité d’écosystèmes immense, allant des sommets enneigés des Monts Ruwenzori et des volcans actifs du massif des Virunga aux marécages du Lac Edouard, aux forêts afro montagnardes et à la savane. Il abrite une immense biodiversité qui comprend notamment le gorille des montagnes, mais aussi des okapis et des éléphants, sans conteste, le PNVi est un véritable « paradis terrestre » et les historiens l’appelle « huitième merveille du monde »
Malheureusement, malgré les valeurs exceptionnelles du PNVi, d’une part et contrairement à la loi N°11/009 du 09 Juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement dont l’article 33 alinéa deuxième dit que « est nul tout droit accordé dans les limites des aires [protégées] et zones [interdites], SOCO, une entreprise pétrolière britannique avait obtenu une licence d’exploitation du pétrole dans ce site du Patrimoine Mondiale et site de Ramsar jusqu’au point de terminer avec les activités d’exploration. .
Heureusement, grâce aux efforts conjugués par les communautés locales, les organisations de la société civile et de la communauté internationale, SOCO s’est retiré de l’exploitation du pétrole dans le PNVi le 11 juin 2014. Certains ont qualifié ce retrait comme la victoire, prouvant que la bataille est gagnée et qu’il n’y a plus des menaces pétrolières dans le PNVi et pourtant d’autres pensent que c’est une trêve stratégique pour les tenants de l’exploitation du pétrole et la menace est devenue encore plus grande.
C’est ainsi que, dans le cadre de la mise en œuvre du Nouveau Pacte pour la Nature et les Personnes conduits par la plateforme « African Network of Young Leaders for Peace and Sustainable Development , www.anyl4psd.org» (ANYL4PSD/ND4NP) , et dont AICED, Appui aux Initiatives Communautaire de Conservation de l’Environnement et de Développement durable, https://anyl4psd.org/focal-point-organizations/ et https://www.youtube.com/watch?v=LmoIAcQWkUY est non seulement le point focal de la plateforme ANYL4PSD, mais aussi est impliqué dans le processus d’implémentation de ce nouveau pacte pour la Nature en République Démocratique du Congo , s’est penchée à cette question afin d’évaluer les menaces ou non de l’exploitation du pétrole dans PNVi pour que ce dernier garde toujours sont statut de site du Patrimoine de l’UNESCO.
II. Les avancées et les faiblesses dans la guerre contre l’exploitation pétrolière dans le PNVi
2.1 Les avancés
La compagnie pétrolière britannique SOCO International a annoncé ce 11 juin 2014 qu’elle mettait un terme à toutes ses activités dans le Parc national des Virunga. Elle s’est aussi engagée à rester loin de tous les autres sites inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
La compagnie rejoint SHELL, TOTAL et le Conseil international des mines et métaux (ICMM) qui se sont engagés à ne pas entreprendre de prospections pétrolières ou ouvrir des exploitations minières dans des sites du patrimoine
2.2 Les faiblesses
Le Comité du patrimoine mondial avait déclaré ceci : « Nous espérons que le gouvernement de la RDC donnera suite à cet engagement de la SOCO et annulera tous les permis d’exploration accordés à l’intérieur du Parc national des Virunga. » Malheureusement jusqu’à présent aucun contrat pétrolier n’a jamais été annulé par une ordonnance présidentielle.
III. La victoire contre l’exploitation pétrolière dans le PNVi : une trêve stratégique pour le tenant de l’exploitation du pétrole ;
Après les retraits de SOCO dans le PNVi, les partisantes de l’exploitation pétrolière ont profité de cette trêve afin de bien s’armer même sur le plan juridique.
3.1 Un soubassement juridique de l’exploitation pétrolière dans les aires protégées
La Loi n° 15/012 du 1ier août 2015 portant régime général des hydrocarbures donne la possibilité d’exploitation pétrolière dans les aires protégées, car à son article 155
il est dit ce qui suit « L’exercice des activités d’hydrocarbures en amont est interdit dans les aires protégées et les zones interdites.
Pour cause d’utilité publique, un décret délibéré en Conseil des Ministres peut, après audit environnemental, enquête publique et avis de l’établissement public chargé de l’évaluation et de l’approbation de l’étude d’impact environnemental ainsi que du suivi de sa mise en œuvre, autoriser tes activités d’exploration dans les aires protégées et zones interdites.
En cas de découverte d’hydrocarbures, il pourra être procédé à l’exploitation, après déclassement de tout ou partie des aires protégées et zones interdites
Ce déclassement aux fins d’activités d’hydrocarbures se fait conformément à la loi. »
Sans conteste, cet article 155, donne un soubassement juridique de l’exploitation pétrolière dans les aires protégées. Il est à noter que SOCO avait terminé avec l’exploration pétrolière dans le Lac Edouard, il a déjà des données sur la quantité des pétroles dans ce lac et nous craignons que cela soit capitalisé par le gouvernement ou d’autres entreprises pétrolières.
Dans la même veine, cet article 155 susmentionné met en cause même le statut du PNVi comme site du Patrimoine Mondiale. Cela semble concrétiser les intentions des politiques congolais visant à mettre en cause le statut légal du PNVi comme site du Patrimoine Mondiale. En titre illustratif, nous citerons le propos d’un ancien ministre des hydrocarbures, Monsieur Crispin Atama Tabe qui avait déclaré « L’adhésion de la RDC à l’UNESCO ou le fait de confier la gestion du parc des Virunga comme patrimoine mondial n’enlève en rien la souveraineté de la RDC sur cette portion de terre »,[1]
Cette crainte est aussi partagée par l’UNESCO et l’UICN dans le rapport où il est dit que : « malgré la nouvelle loi sur la conservation de la nature de 2014, il semble que certains choix liés à la l’exploitation des ressources naturelles dans les aires protégées par certains secteurs gouvernementaux (ex : exploitation pétrolière) risque de d’entrainer la remise en cause du statut légal du de protection de bien » ( recommandation des missions de l’ UNESCO/UICN au PNVi du 23 au 28 avril 2018 page 11)
3.2 La position du gouvernement n’a pas changé face à l’exploitation du pétrole
Refus d’annuler les permis d’exploration accordés à l’intérieur du Parc national des Virunga
Le fait que le Gouvernement de RDCongo n’a pas appliqué la recommandation de l’UNESCO, consistant à annuler tous les permis d’exploration accordés à l’intérieur du Parc national des Virunga, nous pousse à confirmer que la position du gouvernement n’a pas changé face à l’exploitation du pétrole dans le PNVi.
l’appel d’offre publié visant l’attribution de 19 blocs pétroliers
Le jeudi 28 janvier dernier, Monsieur Rubens Muhima, le ministre de l’Energie et des Hydrocarbures de la République démocratique du Congo (RDC), avait annoncé que le pays comptait proposer 19 blocs d’exploration de pétrole et de gaz au marché, au cours du dernier trimestre de cette année. Neuf de ces blocs sont situés dans le bassin central du pays, trois dans le bassin côtier terrestre, quatre dans le bassin du lac Tanganyika et trois dans le lac Kivu. Il s’agira, selon le Ministre, du premier appel d’offre international pour des blocs d’exploration pétrolière dans le pays et que la mise en place de ce programme est régie par le nouveau code pétrolier adopté en 2015.
Selon le journal agence ecofin [2] , « la dernière proposition de périmètres à explorer, a couvert des zones situées dans des espaces protégés comme le parc des Virunga. »
Cette annonce et le fait que la dernière proposition de périmètres à explorer couvrent des zones situées dans le PNVi, ne montrent-il pas le gouvernement de la RDCongo n’a pas renoncé à ses projets d’exploitation pétrolière dans les aires protégées ?
Exploitation du pétrole en Ouganda un précédent pour les politiques de la RDCongo
parmi les arguments que les politiques de la RD Congo avancent pour justifier l’exploitation du pétrole dans le lac Edouard qui fait partie du PNVi est le fait l’Ouganda qui partage les eaux du Lac Edouard et Albert a déjà commencé l’exploitation pétrolière dans le lac Albert même si cela est impacterait négativement sur plusieurs parcs nationaux et notamment celui de Murchisson Falls, le plus grand par de l’Ouganda.
En outre, l’Ouganda, la Tanzanie et les compagnies pétrolières françaises Totale et chinoise CNOOC ont signé ce mois d’avril 2021 plusieurs accords, qui ouvrent la voie à la construction de l’oléoduc qui transportera le brut ougandais vers un port tanzanien et cela malgré l’opposition des des acteurs de la protection de l’environnement. Avec ses 1 443 km de long, ce sera le plus long oléoduc de pétrole brut chauffé au monde. Il acheminera l’or noir extrait du lac Albert en Ouganda au port tanzanien de Tanga avant son exportation, notamment vers des sites du groupe Total ou vers la Chine. La construction de ce pipeline sera assurée par le géant français des hydrocarbures et le groupe chinois CNOOC. Coût estimé de l’opération : 3,5 milliards de dollars. Un investissement qui se justifie par l’importance des réserves repérées en 2006. Au total, 6,5 milliards de barils de brut reposent sous les eaux du lac Albert, dont environ 21% sont récupérables dans l’état actuel des découvertes. Ce qui équivaut pour l’Ouganda à une exploitation de 25 à 30 ans, avec un pic de production de 230 000 barils par jour. [3]
Le président tanzanien John Magufuli avait parlé d’un d’un accord qui va « non seulement créer des emplois, mais aussi promouvoir la coopération régionale et le développement économique des zones traversées par l’oléoduc. » Plus précisément, les autorités tanzaniennes estiment que 10 000 emplois seront créés grâce à la construction de l’oléoduc.[4]
L’exploitation du pétrole en Uganda dans les eaux qu’il partage avec la RDCongo et avec la construction de cet oléoduc peut être un précédent que peut capitaliser le gouvernement congolais afin d’autoriser l’exploitation du pétrole et surtout que cette exploitation en Ouganda se passe à coté des aires protégés pour justifier que l’exploitation du pétrole est compatible avec la protection des écosystèmes sensibles comme le PNVi et surtout que rappelons-le, l’entreprise pétrolière SOCO avait terminé avec l’exploration pétrolière dans les eaux du lac Edouard la partie congolaise et détient les données sur de la quantité des pétroles dans ce lac et qu’il n’a jamais publié.
3.4 Les actions de la Plateforme ANYL4PSD pour lutter contre l’exploitation du Pétrole dans le PNVi
Les plaidoyers
Ayant compris que le menace d’exploitation du pétrole sur PNVi est devenu encore plus grande qu’avant d’une part et comme en RDCongo, il ya d’autres blocs contenant des réserves du pétrole en dehors des aires protégées, la plateforme ANY4PSD de la RDCongo a mené des actions des plaidoyers demandant l’annulation de contrats d’exploitations pétrolières déjà livrés, la cessation des autres contrats d’exploitations ultérieure tout en attirant l’attention des autorités sur la controverse de l’article 155 de la Loi n° 15/012 du 1ier août 2015 portant régime général des hydrocarbures notamment le plaidoyer suivant :
« La Loi n° 15/012 du 1ier août 2015 portant régime général des hydrocarbures donne la possibilité d’exploitation pétrolière dans le lac Edouard qui fait partie d’une aire protégée : une incompatibilité avec votre vision sur la protection de la biodiversité et avec les autres dispositions de la République, et demande de votre implication personnelle pour annuler le permis d’exploitation dans ce lac » dans la lettre N°03/ANYL4PSD/RDC/10/2020 du 28/10/2020 que nous avions adressé à Son Excellence Monsieur le Président de la République.
« L’exploitation du Pétrole dans le Lac Edouard est une menace pour les zones humides dont dépend la survie des communautés riveraines, une violation de la constitution et de la convention de RAMSAR : demande de l’annulation des permis d’exploitation pétrolière dans le PNVi » dans la lettre N°01/ANYL4PSD/RDC/02/2020 du 02/02/2021 que nous avions adressé à Son Excellence Monsieur le Président de la République.
[1] https://www.radiookapi.net/environnement/2013/09/11/exploration-du-petrole-dans-les-aires-protegees-la-rdc-repond-global-witness
[2] https://www.agenceecofin.com/exploration/1702-85302-fin-2021-la-rdc-va-pour-la-premiere-fois-lancer-un-appel-d-offres-pour-des-blocs-petroliers
[3] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210412-la-construction-du-pipeline-g%C3%A9ant-entre-la-tanzanie-et-l-ouganda-sur-la-bonne-voie
[4] https://www.afriquemedia.tv/afrique/accord-pour-la-construction-d-un-oleoduc-entre-la-tanzanie-et-l-ouganda
Ce plaidoyer sur les zones humides était passé à la radio Okapi avec le Journaliste Marc Marofimbo , radio de l’ONU en RDCongo
ANYL4PSD : Journaliste Marc Morofimbo de la Radio Okapi , radio de l’ONU en RDCongo
Ce même plaidoyer sur les zones humides était relayé par la radio communautaire riverain du PNVi appelé radio communautaire la vérité
Monsieur Dunia membre de la plateforme ANYL4PSD dans le studio de la Radio communautaire la vérité
« Insécurité persistante dans le PNVi : demande de l’évaluation de l’application du décret portant création d’un corps chargés de la sécurisation des parcs nationaux et réserves naturelles apparentés afin de protéger les écosystèmes de PNVi , les personnels de l’ICCN, les communautés riveraines et pour promouvoir le tourisme, pilier du développement durable » dans la lettre N°02/ANYL4PSD/RDC/03/2021 du 01/03/2021 que nous avions adressé à Son Excellence Monsieur le Premier Ministre.
Ce plaidoyer sur l’insécurité grandissante dans le PNVi était publié dans le site de la radio Okapi, radio de l’ONU en RDCongo https://www.radiookapi.net/2021/03/04/actualite/societe/insecurite-persistante-dans-le-parc-des-virunga-un-collectif-des-ong
Dans la poursuite de ce même plaidoyer ci-haut, nous avions contacté monsieur Kisuki Mathe Benoit qui est le commandant adjoint en charge de l’Administration Finance et Logistique du corps chargés de la sécurisation des parcs nationaux et réserves naturelles apparentés (CorPPN) . Le commandant nous a montré les avancés du CorPPN et les défis auxquels fait face CorPPN et de quelle façon nous, société civile pouvons contribuer à l’application du CorPPN
Approche « jeunesse anti pétrole » dans le lac Edouard
AICED a pensé qu’il faut préparer la jeunesse dans les écoles du milieu riverain du Lac Edouard sur les conséquences néfastes écocides et irréversibles de l’exploitation du pétrole dans le Lac Edouard ». En outre, la mission du 11-21 août 2007 de l’UNESCO/UICN au PNVi avait proposé que « ce sont les populations locales qui pourront par la suite influencer les autorités politiques et administratives pour qu’elles appuient les initiatives en faveur de la conservation » et pourtant la jeunesse constitue une force non négligeable pour influencer les autorités politiques en matière de lutte contre l’exploitation du pétrole dans le PNVi , d’où notre approche « jeunesse antipétrole » autours des Virunga. Une fois cette jeuneuse formée, elle pourra transmettre ces valeurs à d’autres et ainsi on aura une « génération antipétrole » dans le Virunga. AICED forme ces jeunes dans la production des plaidoyers contre l’exploitation du pétrole dans le Lac Edouard qui fait partie du PNVI
Le club de la Jeunesse « antipétrole » dans le Lac Edouard
4. CONCLUSION
Sans conteste, la lutte contre l’exploitation du pétrole dans le PNVi a connu un grand succès avec le retrait de SOCO. Néanmoins, cette victoire contre l’exploitation pétrolière dans le PNVi a était est une trêve stratégique pour le tenant de l’exploitation du pétrole. Les gouvernements en a profité pour légiférer des soubassements juridique afin non seulement d’exploiter les pétroles dans les aires protégées mais aussi de mettre même en cause le statut légal du PNVi comme site du Patrimoine Mondiale, c’est qui est encore plus grave.
5. RECOMMANDATIONS ET PERSPECTIVES D’AVENIR
Comme ce sont les aires protégées notamment le Parc National de la Salongo et le PNVi qui sont respectivement dans le bloc IV et V du rift albertin, qui sont menacées par l’exploitation du pétrole, la plateforme ANYL4PSD de la RDCongo va étendre ces actions de plaidoyers aux autres aires protégées y compris les tourbières. Et cela en demandant :
- Au du gouvernement l’annulation de tous les permis d’exploration pétrolières accordés à l’intérieur dans les aires protégées et les tourbières au niveau National ;
- demander au gouvernement de ne pas octroyer d’autres concessions d’exploitation pétrolière dans les aires protégées ;
- faire de plaidoyer contre les éventuelles modifications des limites des aires protégées conformément à l’article 155 susmentionné afin de faciliter une activité d’exploitation pétrolière.
Nyebone Faustin
Directeur Exécutif National AICED, Point Focal ANYL4PSD/ND4NP en RDCongo